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News Dessins
22 décembre 2006

Charlie Hebdo - Rétrospective 2006 - Une année de dessins


 

Vive le dessin de presse - préface P. Val


Au temps de Villon, qui savait lire et écrire ? La "morale", c'est-à-dire les quelques préceptes permettant au collectif de fonctionner sans contrevenir aux différents pouvoirs -royal, religieux, économique, traditionnel...-, était transmise oralement et par l'image. Dans la Ballade pour prier Notre-Dame, Villon fait parler sa mère qui se rend au "moustier", c'est-à-dire à l'église, et qui met son corps à l'épreuve de la contemplation des fresques. Selon ce qu'elles représentaient, cette pauvre vieille illettrée ressentait des choses différentes, et c'est ainsi que se transmettait l'obéissance aux lois. Ce temoignage est précieux. Il nous renseigne sur une des fonctions du dessin et de la peinture dans la société du Moyen Age :

 

Femme je suis, pauvrette et ancienne
Qui rien ne sait : oncque lettre ne lus.
Au moustier vais, dont je suis paroissienne
Paradis peint, où sont harpes et luths
Et un enfer où damnés sont bouillus.
L'un me fait peur, l'autre joie et liesse...

Charlie_Hebdo_Retrospective_2006_moyen8
Ce numéro n'est plus en kiosque.

C'est dire si la langue des images a parlé, et parle encore haut et fort en nous. Freud dans l'Interprêtation des rêves, ne fait qu'élaborer la première grammaire de la langue des images, en découvrant qu'elle n'obéit pas à la même logique que celle des mots. Pour autant, son pouvoir n'a rien à envier à celui de l'oral et de l'écrit. Il est puissant, il s'adresse peut-être encore plus directement à notre inconscient.
C'est pourquoi le dessinateur, comme le poète, l'écrivain, le philosophe, porte pleinement la responsabilité des sens que déploie sa création. Il n'est guère de plus lourde responsabilité que d'être léger et vrai.
Car le dessin comme toute création digne de ce nom, partage avec la science d'être validé par la vérité. Evidemment, il faudrait s'entendre sur le mot vérité, et, ici, la place manque. Mais on peut dire que son statut n'est pas le même selon les âges et les civilisations. Ce que l'on appelle "les Temps modernes" n'est autre chose que la période, qui commence vers le dix-septième siècle, où la vérité prend une place centrale. Cette nouvelle place a permis à la science de se développer, aux formes artistiques de s'affranchir de l'obéissance aux dogmes, et a contraint le pouvoir politique à muter profondément. Avant, la vérité qui émanait de l'autorité primait sur celle qui découlait de la connaissance vérifiée par la réalité. La découverte que la vérité elle même est un élément mouvant de l'incessante reconfiguration de l'Univers ne change rien au fait que l'oeuvre ou la loi scientifique doivent lui être fidèles. L'oeuvre d'art, d'ailleur, dans les Temps modernes, se complique et s'élabore dans le but, non plus de représenter l'état des choses  -qui n'est qu'un rêve déjà rêvé auquel s'accrochent les réactionnaires, et c'est le vrai sens de ce mot-, mais le mouvement des choses, qui est la réalité éternelle.


Philippe Val

 

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