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News Dessins
23 juillet 2007

Luz, un dessin bien arrosé - Article paru dans Le Vif.be - le 23 juillet 2007

Après avoir publié un livre décapant où il dézingue la chanson française, Luz, dessinateur à Charlie Hebdo, s'apprête à arpenter les festivals d'été comme DJ. Portrait d'un jeune homme flamboyant.

S'appeler Rénald Luzier, ce n'était ni très rock'n'roll ni très glamour. Alors, va pour Luz ! Dix-neuf ans après ce changement de patronyme, le gaillard ne regrette rien. Il est un homme heureux, qui gagne sa croûte grâce à sa passion, le dessin de presse. Salarié à l'hebdomadaire Charlie Hebdo , une référence en la matière, il collabore aussi avec L'Humanité , Fluide Glacial et Magic . « Je pratique un métier dans lequel je peux me marrer. Autant dire que je suis en vacances toute l'année », se félicite-t-il. Comme si cela ne suffisait pas, il est en train de se tailler une belle notoriété en tant que DJ. Il s'apprête à mixer au festival For Noise, en Suisse, et sera à l'affiche de la Garden Nef Party d'Angoulême, aux côtés de Muse, LCD Soundystem et Arcade Fire. La gloire !

Cerise sur le gâteau, Luz vient de publier un bouquin intitulé J'aime pas la chanson française , dans lequel il fait part du dégoût que lui inspirent Henri Salvador, Vincent Delerm, Bénabar, Carla Bruni et quelques autres... qui ne lui ont pourtant rien fait. Enfin, ça, ce n'est pas son avis. « La chanson, qu'elle soit française ou autre, je ne suis pas contre, du moment qu'elle ne me casse pas les couilles. Mais le problème, c'est son omniprésence. Il fallait réagir à cette agression ! » Sûr de lui, il argumente au bazooka : « Cela m'a toujours gonflé, cette étiquette "chanson à texte", cette prétention très française d'incarner l'avant-garde. Quand on écoute les paroles, il n'y a pourtant pas de quoi crier au génie. Avec Bashung ou Murat, on est quand même très loin d'Apollinaire et de Maupassant... »

Luz, donc, hait la chanson française. Vu son job à Charlie Hebdo , un journal étiqueté écolo-gauchiste, on aurait pu l'imaginer en fan de Manu Chao. Raté ! Il est accro à l'electro furieuse et au rock le plus barré. Et il adore « faire danser les filles » (titre de l'un de ses livres) au son du r'n'b.

Le soir du débat entre Sarko et Ségo, il assistait au concert de The Withest Boy Alive. Qui ça ? « Un groupe norvégien un peu étrange, qui mêle folk et pop. J'avais quand même enregistré le débat. J'ai essayé de le visionner en rentrant, mais comme j'étais assez soûl, je n'ai pas vu grand-chose. »

Une vie dissolue

Noctambule accompli, Luz débarque parfois au boulot en sortant directement de boîte, sans être passé par la case appartement. A Charlie Hebdo , ses collègues ne s'étonnent plus de le voir affalé, à l'heure de la sieste, sur la banquette en Skaï installée dans la rédaction. « Je mène une vie plutôt dissolue », admet l'intéressé. Ses lecteurs ne s'en étonneront pas. Car Luz a l'habitude de se mettre en scène dans ses dessins, le plus souvent sous les traits d'un brave gars un peu couillon, un verre de bière en main, ou des écouteurs sur les oreilles.

Au fil des ans, il s'est ainsi construit une sorte de double de lui-même. « J'ai rencontré Luz à un festival, raconte le caricaturiste belge Pierre Kroll. Dès que je l'ai vu, j'ai eu l'impression de l'avoir toujours connu. Sa manière de remuer sans cesse, son côté gamin de merde du fond de la classe correspondent tout à fait au personnage de ses livres. Le dessin de presse est un genre éminemment personnel et subjectif, et c'est toujours une preuve de talent quand on ressemble ainsi à son oeuvre. »
Ce goût pour l'autofiction, Luz (35 ans) le partage avec plusieurs dessinateurs de sa génération, qui ont émergé au début des années 1990 et qui aiment comme lui se raconter dans leurs planches. « La différence, c'est que Luz n'est jamais complaisant avec lui-même, commente Stéphane Charbonnier, alias Charb, rédacteur en chef adjoint de Charlie Hebdo . Alors que Manu Larcenet pleurniche sur son sort à longueur de pages et que Joann Sfar se peint en super-héros, Luz ne triche pas avec la réalité. » Jul, lui aussi dessinateur à Charlie , ajoute : « Sous des dehors de buveur un peu trash, avec ses baskets à gros lacets et ses tee-shirts rose fluo, Luz a le sens du chic. C'est lui qui m'a fait découvrir des écrivains comme Oskar Panizza et Fritz Zorm. »

Il ne faudrait toutefois pas oublier le principal : Luz est l'un des tout meilleurs dessinateurs de presse du moment. Cet autodidacte, amateur de viande de cheval, a grandi à Tours. Mère coiffeuse, père informaticien, le petit Rénald dessine ses premières chroniques satiriques à l'âge de 8 ans. Lorsque ses parents reçoivent des invités, il se cale dans un coin et croque la petite société familiale. Aujourd'hui, il affiche une polyvalence rare, se montrant aussi à l'aise dans la caricature politique que dans la BD, le reportage ou l'illustration. On perçoit dans son trait une maîtrise et un brio qui contrastent avec une certaine école du dessin satirique, au style volontairement relâché (à la Reiser) ou carrément bancal (à la Wolinski). « Luz possède un point de vue, un propos original - ce qu'on attend surtout d'un caricaturiste, indique Thierry Tinlot, rédacteur en chef de Fluide Glacial . Mais c'est aussi une vraie bête de dessin. Il a du jus graphique que d'autres n'ont pas. » Un as, on vous dit !

François Brabant pour le site http://www.levif.be/

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